PROGRAMME 2017
Chevrolet Camaro SS convertible – 1969
En 1973, mon père décida d'importer des USA une Chevrolet Camaro SS (super sport) convertible de 1969. L'attente fut longue. La lourdeur administrative, ajoutée au fret maritime jusqu'au Havre en firent une attente interminable, près de 6 mois, pour l'enfant de 8 ans que j'étais.
Le jour venu ce fut avec une certaine excitation que je suivis mon père pour prendre livraison de ce qui représentait pour moi « le rêve Américain ». Au premier coup d'œil, je fus très déçu car je m'attendais à une voiture style « Cadillac Eldorado », longue, aux ailes interminables.
Cette voiture fit de nombreux allers-retours entre la Corse et le continent lors de nos migrations estivales. En 1976, mon père décida de la laisser dans notre villa de Corse. Je fis mes premiers tours de roues au volant sur les petites routes sinueuses de l'île de beauté : j'avais 14 ans. En 1983, mon père se sépara non seulement de ma mère, mais aussi de la Chevrolet, pour une somme ridicule : j'avais donné à un ami la même somme pour acquérir sa vieille R5. Immense déception !
Cette voiture devint alors une obsession. Une hantise. Au bout de 25 ans, je passai à l'acte et décidai de la retrouver. Malheureusement, l'unique photo en ma possession ne me permettait pas d'identifier la plaque minéralogique. Ma mère me mit sur la piste en me disant que cette voiture et notre Méhari avaient été immatriculées le même jour à la préfecture d'Ajaccio. Une connaissance me permit de retrouver sa trace au sein des fichiers informatiques des immatriculations. Elle se trouvait toujours en Corse.
J'écrivis à Alain G., alors propriétaire de la belle. Surpris et heureux de ma démarche, il me réserva un accueil chaleureux. En octobre 2007 il vint me chercher à l'aéroport de Campo del Oro au volant de la Camaro. L'émotion était totale. Fermant les yeux je me laissais transporter par les souvenirs, bercé par la douce musique virile du V8. Images, flashs, instantanés de vie se bousculaient dans ma tête. J'étais submergé d'émotions. Nos regards en disaient long sur notre passion commune pour cette voiture. En « cruisant » le long de la route qui nous menait jusqu'à Porticcio, il me raconta son histoire, les efforts, la persévérance qu'il lui avait fallu pour remettre en état cette voiture abandonnée dans un terrain vague, démantelée comme un puzzle par son propriétaire. Alain G avait décidé de racheter l'épave à l'unique condition que son moteur veuille bien donner signe de vie après ces dix années de silence. Il était venu avec une batterie qu'il avait couplée à celle existante, avait arrosé abondamment le carburateur d'essence, debout sur les carcasses des sièges. Il avait tourné la clés… pas un sursaut ! C'est en appuyant par hasard sur l'embrayage que le courant était passé au moteur qui s'était mis à ronronner. Retour à la vie.
A mon tour je lui donnai toutes les informations sur l'historique de départ de cette voiture puisque mon père en avait été le premier propriétaire en France. Je quittai Ajaccio en laissant à Alain G. mes coordonnées au cas où il se déciderait à me la vendre. Deux mois plus tard, il m'appela pour m'annoncer qu'il ne trouvait plus le sommeil depuis notre rencontre et qu'il me fallait venir la chercher rapidement. Le temps de réunir les fonds, l'opération fut achevée en décembre 2008.
A la suite du divorce de mes parents j'en ai terriblement voulu à mon père. Nous sommes restés 25 ans sans nous parler. C'est en 2007 que nous décidâmes de nous rencontrer et j'en profitai pour lui annoncer que j'avais retrouvé la Camaro pour l'acheter à mon tour. Il ouvrit des yeux pleins d'étonnement. Ses premiers mots furent de me dire que j'avais eu raison d'avoir été aussi tenace. Pour la première fois je pouvais voir dans ses yeux des larmes qui en disaient très long.
Malheureusement mon père nous quitta deux mois avant que je prenne possession de la voiture. Il n'a jamais pu revoir sa Camaro.
Alain G fit le trajet depuis la Corse pour me livrer la voiture sur Marseille. Alors que nous partagions le petit déjeuner, je lui annonçai le décès de mon père et toutes les contraintes administratives pour la succession. Je lui parlai notamment d'une statue de bronze que je dois conserver et transmettre à mon tour à l'ainé de mes garçons. C'est une tradition depuis trois générations dans notre famille. Alors que je poursuivais la description de la statue, d'un seul coup je le vis frissonner. Ses yeux se remplirent. Emotion non contenue.
Alain G et moi sommes du même âge, passionnés l'un et l'autre de voitures américaines et il est en possession de la même statue que la mienne. Et lui aussi doit transmettre cette dernière de génération en génération. Afin de confirmer la chose et dès mon retour il m'envoya des photos de l'objet. C'était bien la même !
Nous avons fait des recherches concernant nos aïeuls et leur point commun est d'avoir servi l'état français pendant la même période. Ils reçurent ce bronze en cadeau par leurs pairs pour services rendus à l'état. Une statue en bronze de 80 cm de haut datant du 19ème siècle qui représente un gladiateur en train de combattre un félin. Le thème est « combat pour la vie », signé DROUOT, c'est une sculpture assez exclusive et traduisant assez bien ce trait de caractère que nous partageons.
Depuis, nous sommes devenus plus que des amis.
Désormais cette Chevrolet Camaro SS convertible ne quittera plus la famille. Le prochain propriétaire sera mon fils ainé.