Une personnalité discrète alliée à un charisme à l'unisson, qui contribuèrent sans doute à la sous-estimation rampante qu’on lui témoigne généralement, n’ont pas empêché Jean-Pierre Jabouille de marquer le sport automobile français des années 70, et ce, moins par sa taille (le "Grand", est-il surnommé) que par un coup de volant qui lui valut une cinquantaine de victoires et surtout par une flatteuse réputation de technicien et de metteur au point.
Né dans le Ve arrondissement de Paris d’un père architecte, Jean-Pierre fréquente de beaux établissements scolaires : le Cours Fidès et le lycée Henri-IV. Mais l’attrait des moteurs l’emporte et un beau jour d’août 1965 retrouve-t-on un grand blond coincé dans une petite voiture bleue sur les pentes du Mont-Dore : c’est Jean Pierre qui y grimpe en vainqueur de classe son Alpine A110 personnelle ; sa première victoire. Sa carrière était lancée.
L’organisation par la revue Moteurs, en 1966, de la première Coupe R8 Gordini, l'incite à troquer la berlinette pour une R8 G. Une série de quatre deuxièmes places l’amène au quatrième rang du Premier Pas Dunlop, le classement à l’année. Il fait en outre ses premiers pas à l’international en participant aux 1000 km de Monza et de Paris sur une étrange auto au look de scarabée, une Mini Marcos partagée avec Jean-Louis Marnat.
Convaincu que son avenir passe par la monoplace, JPJ largue la R8 et envisageait l’achat d’une Brabham F3 avec laquelle il aurait débuté la saison 1967 s'il n'avait pas sauté sur l’opportunité de conduire une des deux Matra MS 5 engagées à titre privé par l’Ecurie Crio au tournesol. Cette première expérience de sponsoring automobile en France offre à Philippe Vidal et à Jean-Pierre Jabouille de terminer respectivement 3e et 4e du championnat de France F3 1967, avec pour JPJ une victoire à Reims et au GP du Danemark.
Le retrait de la lessive Crio en 1968 force JPJ à des sacrifices : il rachète à Matra l’ex-châssis de Vidal et s’en va guerroyer dans la France en grève, à l’assaut du championnat de France F3, flanqué d’un copain mécano du nom de Jacques Laffite, rencontré dans une patinoire au milieu des années 50. Depuis, les deux amis ne se sont jamais quittés, Jacques donnant un coup de main à Jean-Pierre depuis l’épisode de la Coupe Gordini.
A l’issue d’une campagne faite de route en DS, d’hôtels pourris et de calages moteurs à l’oreille, le Grand se retrouve deuxième au championnat avec cinq victoires devant un gars qui lui a donné du fil à retordre, François Cevert.
Remarqué par Jacques Cheinisse, d’Alpine, JPJ intègre cette dernière firme en 1969, qui l’engage en F3 en compagnie de Patrick Depailler. Mais, comme il l’affirme à Johnny Rives, ce sera une expérience sans suite : "J’étais tout content d’entrer chez Alpine – un des deux grands français avec Matra, mais en fin de saison ils ont cessé leurs activités de circuit !"
Il est néanmoins 3e au championnat de France 1969.
En 1970, Depailler et JPJ se voient confier par Elf des Pygmées dont ils ne tireront rien. JPJ courra également les 1000 km de Paris sur la Ferrari 512 S de José Juncadella (deuxième derrière la Matra de Brabham-Cevert). Si 1971 est marqué d’un succès en Sport 2L au Paul-Ricard, on s’en souvient comme de l’année au cours de laquelle Depailler et Jabouille écrasèrent le championnat de France F3 sur Alpine – la firme étant revenue au circuit.
Encouragé par ces succès, François Guiter (Elf) fait construire en 1972, en collaboration étroite avec JPJ, un châssis F2, l’Elf 2. Les débuts de cette voiture sont d’autant plus difficiles qu’elle est objet de dissensions entre son pilote et John Coombs, le manager chargé de son exploitation. Elf devra patienter jusqu’en 1974 pour que JPJ enregistre enfin sa première victoire sur cette auto, à Hockenheim. Puis sur un nouveau châssis dérivé de l’Elf 2 et construit par lui-même en 1975, JPJ enlève l’année suivante le titre européen de F2.
Entre-temps Alpine avait commencé en 1973 un programme en Sport 2L dont JPJ était un pilier et qui trouverait un encouragement avec une première victoire à Nogaro en 1974. En fin d’année, Jean-Pierre trouve le temps d’épouser mademoiselle Geneviève Cottin, dont Jacques Laffite épousera la sœur. Ne passons pas sous silence ses deux 3e places au Mans en 1973 et 1974 sur un proto Matra 670, en compagnie de, respectivement, Jean-Pierre Jaussaud et François Migault. Après deux non-qualifications en 1974 aux GP de France (Iso) et d’Autriche (Surtees), JPJ se voit donner une chance par Elf de conduire la troisième auto de Ken Tyrrell au GP de France 1975 : il y est 12e.
En 1976, JPJ remporte le championnat d'Europe de Formule 2 tandis qu'il est chargé en parallèle de mener le développement du moteur turbo 1500 cm3 avec lequel Renault s'apprête à révolutionner la Formule 1. La Renault F1 turbo effectue ses débuts en championnat du monde à l'occasion du GP de Grande-Bretagne 1977, et s'attire rapidement le sobriquet de Yellow tea pot (la théière jaune) pour sa propension à terminer ses courses dans un nuage de fumée blanche. Dans un premier temps, c'est surtout en qualifications que la Renault affiche son potentiel, et JPJ doit attendre la fin de la saison 1978 pour mettre fin à une impressionnante série d'abandons et marquer ses premiers points, grâce à une quatrième place acquise au GP des États-Unis.
En 1979, la Renault confirme son beau potentiel, mais à nouveau, doit essuyer en course des ennuis à répétition. Ce n'est qu'au GP de France à Dijon que JPJ connaît enfin une course sans problème, ce qu'il met à profit pour remporter sa première victoire et offrir à la motorisation turbo son tout premier succès en F1. Mais cette victoire historique est en partie occultée par le duel que sont sont livrés son coéquipier René Arnoux et Gilles Villeneuve pour la deuxième place. La victoire de JPJ à Dijon reste son seul résultat de la saison. Le même schéma se reproduit en 1980, où il décroche un nouveau succès (en Autriche) au milieu d'un océan d'abandons. Le plus douloureux d'entre eux à lieu en fin de saison au Canada, où une rupture de suspension l'envoie dans un mur, et le laisse avec les jambes brisées.
Le Grand est de retour au GP du Brésil 1981 chez Ligier, pour qui il avait signé en 1980, avant son accident. Il y retrouve son pote Jacques Laffite. L’ambiance, toutefois, est totalement différente de celles des années de bohême. JPJ est mal remis de son crash, il souffre, se qualifie mal, quand il y parvient, et, après le GP d’Espagne, raccroche. Guy Ligier le récupère comme directeur sportif lorsqu’il vire Gérard Ducarouge en cours de saison.
Commence alors une période sabbatique. Le pilote éprouve le besoin de couper avec son milieu ; il ouvre un restaurant sur l’Ile de la Jatte, sur la Seine. Toutefois derrière le restaurateur d’occasion sommeillait toujours le pilote. Le voici en 1984 au volant d’une Peugeot 505 turbo disputant le championnat de France de Production ; il noue des liens avec la firme de Sochaux qui allaient déboucher, après plusieurs campagnes en Production et deux 3e places aux 24 heures du Mans sur le proto 905 en 1992 et 1993, sur un poste de directeur de Peugeot Sport fin 1993, en remplacement de Jean Todt parti chez Ferrari. JPJ y hérite d’une patate bouillante : le dossier Formule 1. Peugeot s’y lançait et son directeur y replonge.
C’est une passe difficile. Coincé entre des partenaires Anglo-Saxons aux exigences dictées par le rythme insoutenable de la F1 et les interlocuteurs frileux de Sochaux, Jean-Pierre rend son tablier fin 1995.
Infatigable, il monte en 1997 une écurie de voitures de Sport, en association avec Jean-Michel Bouresche, le JB Competition. Cette structure connaît une bonne réussite avec Mauro Baldi et Emmanuel Collard conduisant une Porsche 911 GT1, puis une Ferrari 333 SP, dans le cadre des International Sports Racing Series.
Jean-Pierre Jabouille, né le 1er octobre 1942, pilote automobile de français.
De 1975 à 1981, il a participé à 54 Grands Prix de Formule 1 au cours desquels il a enregistré 2 victoires et 2 podiums pour 21 points au championnat. Il a aussi décroché 6 pole-positions.
Victoires en F1:
Grand Prix de France 1979
Grand Prix d'Autriche 1980
Biographie de Patrice VATAN
Mémoire des Stands
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